La plupart des préparations à cet examen se focalisent sur le contenu des spécialités en martelant : “apprenez votre sujet à fond puis maîtrisez-le. » C’est effectivement une très bonne pratique dans un contexte de prise de parole en public et lorsque le nombre d’allocutaires – personnes à qui s’adresse un énoncé – est important. Les spécialistes de la communication s’accordent à dire qu’au-delà de 10, des facteurs de stress rentrent en compte et l’échange (boucle directionnelle) est moindre, voire inexistant entre le locuteur et son public. Tout blanc, toute coupure apporte alors une tension psychologique qui peut s’avérer très destabilisante au niveau de la confiance en soi.
Quand est-il alors des échanges pour un petit groupe, constitué de deux ou trois examinateurs autour d’une table en face de vous? n’y a-t-il pas d’autres critères qui mériteraient d’être travaillés dans ce contexte pour améliorer sa prise de parole en public et devenir plus convaincant?
Je me rappelle d’un sujet d’examen du bac de Français anticipé sur lequel j’étais tombé et qui consistait en une analyse de texte sur Gargantua de Rabelais. Les figures rhétoriques étaient nombreuses dans ce texte. J’avais pris beaucoup de plaisir à les étudier et je me réjouissais d’avance de partager mes impressions avec mon examinatrice. Pourtant, dès les premiers instants où je pris la parole – Je précise que je souffre depuis toujours de pertes de souffle au niveau du palais, avec une crainte sous-jacente permanente de perdre mes moyens – je fus déstabilisé. Il n’y avait pourtant qu’une examinatrice devant moi, mais le sentiment de me sentir observé ne fut jamais aussi grand, exerçant sur moi une véritable oppression dès les premières questions posées par la dame. Je ressassais en boucle mes craintes de me tromper, occultant toute capacité de me concentrer sur mon sujet, avec ces impressions très désagréables si caractéristiques connues de tous et de toutes : langue pâteuse, jambes flageolantes et mains moites.
Je ne savais alors pas qu’un des éléments moteurs de ma prise de confiance était de m’autoriser à ne pas être parfait. Peut-être que si j’avais eu une préparation avec quelqu’un pour me rassurer sur cette idée – en me sortant de la tête ce sentiment de compétition – j’aurais eu ma posture plus droite, plus confiante. Peut-être que mes mots auraient été plus aisés à sortir, avec un alignement du Larynx moins contracté. Peut-être que mes épaules se seraient écartées naturellement, que j’aurais quitté mon assise voûtée si caractéristique des gens timides.
Ma voix en aurait été alors magnifiée, fortifiée. Peut-être qu’on aurait pu me dire aussi qu’avec une telle posture, il était possible d’ajuster plus facilement mon souffle pour me déstresser. Et de projeter mes mots avec plus de conviction, au lieu de les susurer. Mon timbre nasillard aurait gagné en netteté, les basses se seraient fait sentir. Ma variété sonore aurait pris de l’ampleur.
Au final je m’en suis sorti avec un petit 10 sur 20 assez tolérant pour la piètre prestation que j’avais donné ce jour-là.
Je pense alors aux timides et aux maladroits. A tous ceux dont l’entourage ne fait que renforcer leurs doutes quand ils ou elles leur demandent de les assister à cet exercice périlleux de prendre la parole devant un public, qu’il soit nombreux ou restreint. A toutes celles et ceux pour qui la simple vue d’un dictaphone provoque la même réaction que le son d’un aspirateur chez un chat domestique. A toutes celles et ceux qui auraient besoin d’être rassurés sur le fait qu’ils sont des humains qui ont le droit de s’autoriser à ne pas être parfait. Pourquoi n’insiste-t-on pas davantage auprès de ces élèves-là sur le fait qu’un discours de qualité passe aussi par un partage avec leur public? Partage dans lequel la sensibilité et les émotions sont la clé pour toucher l’auditeur et lui permettre de s’identifier à l’expérience racontée? Sur le web, pour contourner cette peur de se dévoiler, certaines préparations à l’oral du bac conseillent de se projeter dans la peau d’un personnage célèbre ou même d’un super-héros. Est-ce vraiment là un conseil judicieux lorsqu’on sait que des comédiens brillants sont morts de trouille lorsqu’il s’agit de parler de leur rôle hors du champ de la caméra? Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : apprendre à identifier ses failles et les surmonter, aussi bien techniquement que psychologiquement, peut s’avérer payant. Rappelons qu’un discours simple, mais prononcé sans peur, aura toujours plus d’impact dans son public quel qu’il soit, qu’un autre sur un sujet maîtrisé mais rempli d’hésitations, de bégaiements ou de bafouillements.
venez decouvrir d’autres articles sur mon blog www.faire-un-discours.fr, consacré à la prise de parole en public.
Serge BENEDETTI, mentoring officer chez Toastmasters